«C’est de la pluie tombée il y a 4000 ans» : quand les eaux de prestige défient les grands crus

Written on 05/16/2025
Clara Griveau et Lucile David, Le Figaro


Des eaux issues de glaciers, d’icebergs ou de sources volcaniques font leur entrée dans la grande gastronomie. Servies comme des vins, elles disposent désormais de cartes dédiées et de sommeliers spécialisés.

Verres à pied, vocabulaire technique, jury d’exception… À première vue, la scène évoque une dégustation de vin. Mais ici, aucun cépage, ni robe : ce que l’on goûte, c’est de l’eau. Elles viennent de glaciers millénaires, d’icebergs arctiques ou de cratères volcaniques, et certaines d’entre elles s’arrachent aujourd’hui à plus de 150 dollars la bouteille. Du 25 au 27 avril, le FineWaters Summit a réuni à Atlanta des acteurs de ce marché en pleine effervescence, pour un concours avec plus de 1 100 bouteilles venues de 35 pays, et des participants prêts à débourser en moyenne 850, pour y assister.

 

Parmi les vedettes de ce salon : Fromin, une eau issue d’un glacier vieux de 15 000 ans agrémentée de paillettes d’or, ou encore Svalbarði, collectée à partir d’icebergs au nord du cercle polaire arctique. Des eaux mises en scène avec des codes empruntés aux champagnes ou aux grands crus : bouteille élégante, bouchon de liège, étiquette soignée. «Quand je vais à une fête, j’apporte une bouteille de Svalbarði, et je dis aux gens : c’est de l’eau vieille de 4 000 ans. C’est de la pluie tombée il y a 4 000 ans. D’un seul coup, plus personne ne parle de la bouteille de bourgogne de 50 ans», témoigne Michael Mâcha, fondateur de FineWaters Summit.


JAURE Water, une eau de source naturelle provenant de la Laponie suédoise, a remporté la médaille d’or dans la catégorie « Sparkling – Low Minerality » pour sa version « Finement Pétillante » lors des FineWaters Taste & Design Awards 2025 à Atlanta.

Des accords mets-eaux ?

 

Cette nouvelle culture n’est pas sans rappeler celle du vin. Elle inclut des détails comme la présentation, la température idéale de service, le choix des verres… Et bien sûr, la manière dont l’eau se marie avec les plats. Selon Michael Mascha, «l’eau n’est pas seulement de l’eau», elle peut avoir « un terroir, comme le vin». Il affirme : «Je pense qu’il faut tenir compte du fait que la plupart des gens pensent que l’eau n’est que de l’eau, et qu’elle n’a pas de goût.» «Une eau douce, faiblement minéralisée, n’a pas du tout le même goût qu’une eau riche en minéraux», explique-t-il. Par ailleurs, il distingue ces eaux faiblement minéralisées, «douces, neutres et légères», à associer «à un plat comme vous le feriez avec un vin blanc», et les eaux plus riches en minéraux, «plus proches d’un vin rouge corsé».



Ce travail de dégustation s’accompagne d’une nouvelle figure en salle : le sommelier d’eau. Pour ce faire, ils sont déjà 250 dans le monde à avoir été formés à la Fine Water Academy, un institut également fondé par Michael Mascha. On y apprend notamment qu’une «une eau glacière s’accorde bien avec du sushi. Pour un steak, on choisira une eau plus riche, comme la Catalan ou la Delamín Froy.»

Michael Mascha insiste sur le fait que l’eau doit être servie avec autant de soin que le vin. «Le vin n’aura pas le même goût si l’eau servie à côté n’est pas à la hauteur. L’eau fait elle aussi partie de l’expérience gastronomique.» Il plaide ainsi pour une plus grande diversité d’eaux dans les restaurants : «Si un établissement propose 100 vins, il devrait aussi offrir au moins 6 à 10 eaux différentes.» Le problème, selon lui, est que l’eau est reléguée au second plan. «Si je ne bois pas de vin, on me sert souvent un simple verre de San Pellegrino, dans un gobelet banal», déplore-t-il. Le marché de l’eau, ajoute-t-il, n’est pas encore aussi large que celui du vin, où l’on peut trouver des bouteilles à 10 dollars ou 30 000 dollars. «Nous n’avons pas encore cette échelle dans l’univers de l’eau», conclut-il.

 

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